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L'actualité du Théâtre du Tandem
Sans Pays - Théâtre du Tandem - ©photo Marianne Duval

Pourquoi programmer Sans pays en Abitibi-Témiscamingue?

par Hélène Bacquet, directrice artistique et générale du Théâtre du Tandem

Si j’ai choisi de programmer la pièce Sans pays d’Anna Beaupré Moulounda en Abitibi-Témiscamingue, c’est pour une raison bien simple : Sans pays est une pièce abitibienne. Or le Théâtre du Tandem a pour mission de produire des créations et des textes du répertoire québécois récent, en accordant une importance particulière à la parole des artistes de l’Abitibi-Témiscamingue.

La pièce Sans pays s’ancre dans une vision du monde façonnée par une enfance dans une région périphérique du Québec.

Anna Beaupré Moulounda, née d’un père congolais et d’une mère québécoise, a grandi en Abitibi-Témiscamingue, dans un milieu où elle était la Métisse. Anna a rêvé d’un endroit où elle pourrait se fondre dans l’anonymat, une ville où elle ne serait pas isolée dans sa singularité. Mais à Montréal, elle était l’Abitibienne. Elle a poussé sa quête identitaire jusqu’en Afrique. Là-bas, on l’a appelée « Mundele », la Blanche en lingala. Ces multiples chocs culturels ont donné naissance à la pièce Sans pays.

Anna Beaupré Moulounda est l’héritière d’une vague d’immigration qui, dès la fin des années 60, a attiré en Abitibi-Témiscamingue des immigrants hautement qualifiés, notamment pour occuper des postes au cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Sa prise de parole s’inscrit dans l’histoire de cette région au développement moderne si récent que la plus grande partie de sa population est issue d’une immigration remontant tout au plus à une centaine d’années.

La parole d’Anna Beaupré Moulounda procède d’une conscience de la marge. Sa persévérance à questionner les discours dominants me semble tout autant procéder de sa culture abitibienne que de son identité métissée

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Ce qui m’interpelle dans le texte d’Anna Beaupré Moulounda, c’est qu’il nous invite à changer notre perspective sur nous-mêmes, sur nos représentations de l’Autre.

Voici un texte qui adopte le point de vue du Métis, celui à qui l’on dit : « Tu n’es ni ceci, ni cela », alors que par définition, il cumule les identités dont il est issu.

Voici deux femmes qui traversent les frontières et qui, pendant un temps de suspens, questionnent leurs identités intimes, familiales, professionnelles. Deux femmes dont l’histoire s’est écrite au Québec et dont la rencontre tisse une trame américaine, du Congo au Brésil, de New York à Haïti.

Deux personnages qui retirent le masque qu’on leur a fait porter- ce masque qui signifie « l’Autre », « le Dissemblable », « l’Étranger » –  et le tendent vers le spectateur.

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Dans Le récit de soi, Judith Butler rappelle que toute tentative de se dire est une réponse implicite à la mise en demeure « Qui es-tu ?».

Sur la scène de Sans pays, il y a deux femmes, debout face au public, se demandant qui elles sont et, par un jeu de miroirs, nous renvoyant la question : « Et vous, qui êtes-vous? ».